Bordeaux est une véritable arche de Noé, un parc zoologique en plein air. Les bêtes courent le long des façades ou s’incrustent dans la pierre. Elles font la grimace ou, au contraire, semblent sourire. Silencieuses, elles observent le monde des vivants. Leur regard immuable croise rarement celui du passant qui, souvent, les ignore.

Même si elle joue un rôle secondaire la représentation animale est bien présente à Bordeaux. Les imagiers du Moyen-âge furent certainement les plus friands de bestiaires issus d’animaux réels ou imaginaires copiés dans les enluminures de manuscrits et dans les bibles. Les siècles suivants ne sont pas avares de bestioles en tout genre. La Renaissance redécouvre leur mythologie; la ville classique en fait usage dans les corniches, les consoles et parfois les mascarons. Car c’est surtout la représentation humaine qui triomphe sur les façades bordelaises suivant Vincontournable modèle de l’iconographie versaillaise. Lassés par les rigueurs de l’académisme certains architectes, à l’instar de Viollet-le-Duc, n’ont pas hésité un peu gratuitement à les tutoyer et les apprivoiser même sur les façades. En tous lieux, qu’ils soient églises, temples, maisons, hôtels particuliers ou cimetières on les trouve figées dans la pierre, le fer, la fonte, le béton, en peinture ou en mosaïques. Leur forme et texture suivent naturellement l’évolution des progrès techniques. En ce début du XXIe siècle, elles ont complètement déserté l’architecture contemporaine et le mobilier urbain. Certains animaux familiers ne sont plus vivaces que dans la mémoire des plus anciens tels «La poule noire» ou «Le canard» établissements de plaisirs qui contribuèrent à la légende de l’ancien quartier de Mériadeck. D’autres continuent de porter haut et fort leur chant tels «Les coqs rouges» du vieux patronage bordelais ou encore «Chantelerc,» le coq du Roman de Renart à moins que ce ne soit celui d’Edmond Rostand, qui préside aux destinées d’une maison de quartier de Bordeaux.

Philippe Prévôt
En préface du livre Bestiaire de Bordeaux
de Richard Zeboulon

NB: dans chaque commentaire un p. signale la rérence de la page du livre

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